Dévorer à pleines dents un morceau de fromage avec un verre de vin, cela n’a pas de prix ! Il n’y a pas plus grande magie que cette histoire d’amour culinaire. D’ailleurs, les accords fromages & vins ont été un de mes arguments pour lancer www.winenotcook.com. Visiblement, je ne suis pas la seule à me damner pour ce genre d’alliance. A Paris, un jeune entrepreneur a engagé les épousailles officielles du fromage et du vin (bio) dans un bar voué au concept : les Petits Crus (Paris 11e).
La tendresse du lait de brebis avec du rosé. La force d’un roquefort avec un Maury. Le caractère du lait de chèvre avec un vin blanc. On ne badine pas avec le mariage des fromages et du vin. Alléluia ! Il existe désormais une adresse parisienne où l’on ne sert pas du vin rouge avec du camembert et où l’on ne doit surtout pas justifier cette mauvaise habitude par une énième explication gustative (autour des tanins, des protéines de lait, et gnin gnin gnin…). Je me souviens d’une règle à retenir que m’a confiée Olivier Poussier, Meilleur Sommelier du Monde en 2000, lors d’un entretien : 95% des accords avec le fromage ne fonctionnent pas avec un vin rouge, à l’exception du Saint-Nectaire par exemple…
Quel plaisir de laisser fondre le fromage de chèvre avec un verre de vin blanc sans avoir à expliquer le concept d’un mariage entre deux mets ! Toute la complexité d’un accord réside dans une association qui ne doit pas cacher les arômes ni ceux du vin ni ceux du fromage (et c’est une règle qui vaut pour toutes les associations culinaires). Comment voulez-vous qu’un vin blanc de Bourgogne, aussi précieux soit-il, impose sa personnalité s’il est englouti avec un roquefort ? Pas facile de s’y retrouver quand je vous expliquais quelques lignes plus haut qu’un vin rouge s’associe rarement avec le fromage. C’est exact, l’univers des accords du vin et du fromage est une galaxie encore mystérieuse pour bon nombre de gourmands. Voilà pourquoi l’idée de Bertrand mérite une visite.
Ancien étudiant d’une école de commerce, le jeune entrepreneur est bien né : il est originaire des Landes, au pays de la tomme de brebis, du jambon de Bayonne et des Côtes de Gascogne. Il y a quatre mois, il concrétise son envie de remettre les fromages au goût du jour en ouvrant Les Petits Crus. Son concept est délicieusement ludique puisque chacune des productions laitières, exclusivement crues, qu’il a dénichées est associée à un vin précis. En l’espace d’un seul apéritif, vous dégustez au moins quatre vins différents, chacun préparé dans un tube à essai (de 4 cl chacun, l’équivalent d’un petit verre). C’est malin, c’est amusant et vous vous prenez au jeu de verser le liquide dans le verre pour attaquer la dégustation du fromage. On se prendrait presque pour un alchimiste…
Entre chaque tentative, un petit rafraîchissement s’impose avec une rondelle de pommes Granny. Les débutants adoreront le concept qui leur permettront d’entraîner leur reconnaissance du goût, des cépages et même d’approfondir leur culture fromagère puisque le patron ose les découvertes… Prenez ce clacbitou, fromage bourguignon au lait de chèvre, à ne pas confondre avec le chabichou poitevin. Un nouveau monde bachique s’ouvre à vous avec cette cuvée Chardonnay d’Ardèche, exclusivement élevée en fût de chêne.
Et comme une pointe de confiture de cerises Itxassou sur un petit basque, Bertrand ne s’est pas contenté d’imaginer une seule planche de fromages, mais de six. Les thèmes vous souffleront laquelle déguster sans vous donner les noms : “les capricieux” se réservent aux fromages de chèvre, “les voluptueux” aux spécialités crémeuses et coulantes…. Les intitulés trouvent aussi leur origine dans ce qu’ils promettent d’offrir, un mariage explosif par exemple avec “les passionnels”. Et pour les indécis, il n’y a plus qu’à choisir le panaché “Les chouchous”. Comptez 20 euros pour 4 mariages et 27 euros pour six.
Et si par malheur, vous êtes accompagné d’un fromagiphobe, voici votre argument : Bertrand sert des planches de charcuteries…