domaine Baron d'Escalin

A la découverte du domaine Baron d’Escalin

Le vin est une histoire de rencontre. Et c’est ce qui lui confère ce petit goût de découverte, si singulière à chaque fois. En nous entraînant dans un vignoble loin de chez nous, celle-ci nous embarque en réalité dans le souvenir de nos racines. Car ce sont bien mes origines lilloises et flamandes, qui m’ont amenées ici, dans la Vallée du Rhône, à une quinzaine de minutes en voiture de Montélimar.

Point de chute : les Granges Gontardes. Appellation Grignan-les Adhémar. Ici, un vignoble a retrouvé la vie sous le nom de Baron d’Escalin, après avoir échappé à un hypothétique arrachage de ses vignes par son prédécesseur. Plutôt mourir que de céder son domaine à des acheteurs qui, jadis, lui ont tiré dans les pattes et sous-estimé son travail. Monsieur Vergobbi est un homme du vin, un vigneron qui n’a qu’une seule parole. Que l’Histoire se rassure, le riche terroir du vieil homme ne tombera finalement pas entre les mains des mécréants locaux, mais entre celles d’amoureux de la vigne venus de Belgique et du Luxembourg.

Ma rencontre s’appelle donc Andrée. Elle est présidente du domaine baptisé Baron d’Escalin, en souvenir de ce chevalier de la Renaissance, personnage le plus célèbre de la dynastie des Adhémar, à la tête de vignes dans la Drôme provençale au moment des années 1500. Aussi acharnée dans son travail de gestionnaire de patrimoine que passionnée par le vin, son accent belge teinte comme un réconfort, qui insuffle toutes les bonnes choses venues du Nord. La même que ces odeurs qui ne vous rappellent rien d’autre que votre enfance. Ne faisant confiance qu’à mon feeling, et ma curiosité pour découvrir le vignoble, j’ai décidé de donner suite à notre première rencontre, initiée à Paris, à l’occasion d’un week-end prévu pour suivre une formation à l’Université du Vin, à Suze-la-Rousse. Et je ne vais pas être déçue.

Car c’est « la mémoire du vignoble » qui me reçoit. Michel est Belge et parle un français impeccable. C’est lui qui a travaillé d’arrache-pied pour sauver le vignoble de Monsieur Vergobbi et mettre au grand jour toute la richesse du terroir, au centre de notre discussion et de mes questions ce vendredi après-midi.

Conversations

« Regarde un peu comme la végétation est diversifiée. C’est la preuve que nous sommes sur un terroir riche» m’explique-t-il en me demandant d’identifier, pins, chênes et autres arbres qui tapissent l’horizon. Je viens d’apprendre une règle essentielle pour reconnaître « un bon terroir ». Il suffit de remonter dans le beau 4×4 pour bénéficier d’une nouvelle leçon. Nous sommes maintenant à une extrémité du vignoble. Le doigt pointé vers les éoliennes, Michel me lance « qu’est-ce que tu remarques ? ». Ce genre de questions aux réponses qui paraissent trop simples pour être correctes. Parce que forcément, les éoliennes sont en pleine action. C’est logique ! « C’est surtout la preuve qu’il y a du vent. Tu vois cette montagne gauche, et puis celle-là à droite. Le vent vient s’engouffrer dans cet entonnoir ». Et je poursuis facilement la réflexion, puisque la vigne se situe juste à quelques centimètres de nous. Le raisin mûrit ici dans un couloir d’air. Parce que le vent assainit la vigne, et évite les pourritures, dans le style mildiou. Et de deux ! C’est facile d’apprendre le B.A-ba quand on ose poser des questions, et surtout que le vigneron vous répond sans s’enfoncer dans son jargon.

« s’enfoncer », c’est le terme. La partie méridionale de la Vallée du Rhône vient de vivre un épisode de pluies torrentielles, avec de violents orages. La terre est boueuse. C’est sans doute ce qu’il me fallait pour comprendre que les chaussures doivent être adéquates quand je réclame d’apprendre à différencier un cépage d’un autre. Tant pis pour les tennis. Et tant mieux pour ma culture. Car aujourd’hui, grâce à Michel, je sais reconnaître la Syrah rien qu’en observant sa feuille. Effectivement, au « revers », je remarque qu’une légère petite peau poilue tapisse toute la surface. Quand on regarde les feuilles du Grenache, aucune peau, rien. La différence est flagrante et facile à retenir. L’ingénieur agronome complète mon apprentissage avec d’autres indices, comme ceux en rapport avec les noeuds présents sur les rameaux. Je connaissais ma curiosité pour les cépages, le cycle de la vigne et tout ce qui prend vie dans la terre d’un vignoble. Cette escapade n’aura fait que confirmer mon goût pour le « terrain » quand on parle de vin.

Qui plus est, mon déplacement tombe à pic, puisque les vendanges viennent de démarrer. Nous sommes le 19 septembre. Alors, poursuivons ! « Manges du raisin ! » me lance Michel. J’obtempère et le regarde faire. Il pose sur la paume de la main les pépins. « Tu vois, ils sont encore verts. Le raisin n’est pas encore mûr sur cette parcelle » conclut-il. Il va falloir attendre encore un peu pour vendanger donc.

En route ! Direction la cuverie. Certaines parcelles de Syrah ont déjà été vendangées et le raisin macère dans d’énormes cuves en béton. Il n’y a pas meilleure saison pour mettre des images et rendre enfin concret le processus d’élaboration du vin. Les baies de raisin reposent tranquillement dans cet espace confiné. Penchés au-dessus de la cuve ouverte, Michel pense à me répéter que du gaz carbonique s’échappe et que des vignerons ont déjà passé l’arme à gauche en tombant dans la cuve. Effrayant ! Et je vous épargnerai les détails de cette histoire d’un vigneron retrouvé mort, le corps flottant dans le jus. Il paraîtrait que le vin fut malgré tout commercialisé. Info, intox, l’anecdote est surprenante, mais assez croustillante pour une visite de cave. Quand je vous dis que le vin, c’est toute une histoire…

Il y a tant à apprendre, tant à raconter. J’ai enfin pu écouter quelques-unes de ces connaissances qui ne se méritent que quand on saute à pied joints dans la vigne, et non en se contentant du simple tour de la cave et de la dégustation de fin de parcours. D’autant qu’il me faudrait aussi vous narrer la suite de l’Histoire du domaine Baron d’Escalin, après le rachat du vignoble au vieillard Vergobbi. Mais ce billet serait bien trop long ! Sachez simplement que c’est la star des vignerons, qui n’est autre que Michel Chapoutier, qui en constitue le deuxième chapitre.

A la lecture de ce récit, certains penseront que c’est un paradoxe de démarrer son apprentissage de la vigne sur des airs flamands, surtout quand on est Français. Je leur répondrai que le vin n’est pas une question de rencontres entre nationalités, mais bien une histoire de passionnés, qu’ils soient débutants ou professionnels.

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