Spondi

Athènes : Spondi, ou la déception en 3 raisons

Tomates, aubergines, feta, poulpe, daurade, sardines, miel, vin… La Grèce est un bouquet de saveurs à profusion qu’il est délicieux de retrouver à portée de main, quand en France il faut se rapprocher des circuits courts pour les trouver, sinon cultiver son propre potager. L’on imagine alors la qualité de la cuisine quand il s’agit de dîner auprès de l’adresse pionnière en matière de service gastronomique à Athènes, et doublement étoilée Michelin. Erreur. 

Depuis son premier service en 1996, la table gastronomique du quartier de Pangrati s’est appropriée les techniques de la cuisine française pour offrir une expérience dans un cadre raffiné et cosy, servie par une vaisselle chic. Le Sarthois Arnaud Bignon a signé le succès de Spondi en décrochant les deux étoiles Michelin. Le chef triplement étoilé du Bristol Eric Frechon s’était envolé en 2016 pour un dîner anniversaire et fêter les vingt ans de la table. C’est aujourd’hui Angelos Lantos qui mitonne la récompense. Le service nous confiera que des chefs français consultants prêtent leurs conseils pour signer la carte : Emmanuel Renaut, Eric Frechon…

Je n’ai pour ainsi dire jamais publier de critique négative suite à une expérience dans un restaurant. Je préfère me consacrer sur les expériences positives et vous partager les bonnes adresses. Voilà que mon dîner chez Spondi fera office d’exception. Unique membre grec des Grandes Tables du monde, Spondi devait être le clou d’un spectacle culinaire grec qui nous a émerveillé les papilles depuis Santorin et ses croquettes de tomates locales monstrueusement savoureuses jusqu’aux pâtisseries d’Aggeliki, à Milos, en passant par l’île la plus délicieuse des Cyclades : Sifnos. L’attente était inévitablement grande.

Une cuisine gastronomique doit-elle être inévitablement technique ? 

La cuisine, c’est comme la danse classique. L’assiette, autant que la danseuse, doivent faire illusion, en ne soufflant jamais combien d’heures de travail ont été nécessaires pour atteindre ce résultat. Chez Spondi, c’est l’inverse. Il y a une volonté ostensible de montrer que la brigade maîtrise un (certain) savoir-faire. Les pommes de terre soufflées pour accompagner le pigeon fermier en est une marque de fabrique. Et elles étaient réussies. On était loin du compte avec les champignons sauvages qui devaient être coiffés d’un sabayon à l’amaretto. La crème manquait de foisonnement pour tenir sur cet arc de cercle de champignons, qui semblait imiter le dressage des assiettes tendances du moment (il y a une raison, parfois, à tout mettre sur le côté, pourquoi ici ?). Le choix de certaines associations était intéressant, comme justement l’idée d’un sabayon à l’amaretto pour matcher avec la bouche sauvage des champignons. Malheureusement, les assiettes manquaient cruellement de finitions, auxquelles on regrette l’absence totale d’audace. C’est la double sentence. Quelle direction le chef a t-il voulu donner au menu ? Telle est la question, si ce n’est tenté de reproduire les codes d’un restaurant gastronomique français. Elève sur la bonne voie, mais peut mieux faire. Le céleri en version mousseline pour escorter le bar. Et du céleri, encore à l’étape suivante, avec le pigeon, en mode purée (quasi mousseline). On a compris : Spondi maîtrise la cuisine au céleri…

Il est où le fromage grec ? 

Mimolette, saint-nectaire, fourme d’Ambert, morbier, crottin de Chavignol… Spondi est une ode au terroir français. Tant mieux. Cet hommage doit-il nécessairement supprimer les bijoux gourmets dont recèle la Grèce quand le plateau de fromages débarque ? Certains s’offusqueront d’apercevoir des spécialités françaises, à l’exclusion de toute autre nationalité lactée, y compris des noms hélléniques. Faut-il leur rappeler que Spondi est une formidable invitation pour les voyageurs étrangers ou les familles grecques (très) aisées à découvrir la gastronomie tricolore, sinon son art de vivre. Pour autant, la table d’Angelos Lantos est-elle obligée de faire… table rase (elle était facile!) des traditions bergères qui offrent à son pays de sublimes pâtes au lait de brebis ? Spondi pourrait être le plus bel ambassadeur des autres spécialités fromagères grecques et éduquer les visiteurs à d’autres saveurs que celle de la feta. Dommage.

Le client d’un restaurant gastronomique est-il obligatoirement une vache à lait ? 

Au cours de notre dîner, pas moins de trois bouteilles d’eau gazeuse, de 75 cl chacune, ont été ouvertes. Il a été pourtant nécessaire de remplir nos verres qu’à trois reprises. Le calcul quant à la quantité d’eau véritablement ingérée est rapidement fait. On conviendra de la parfaite incohérence du résultat avec le nombre total de bouteilles d’eau. Avec le plat de pigeon, le service a jugé utile d’ouvrir une deuxième quille. Soit. Que fut pas notre surprise lorsqu’une troisième fut dégoupillée à l’étape d’après, au moment du plateau de fromages, valant à nos verres d’eau auxquels nous n’avions pas touchés d’être remerciés pour être remplacés… par de nouveaux contenants, accueillant un nouveau millésime de San Pellegrino. Si la question financière est un sujet, et l’on découvre avec la note que la bouteille d’eau à bulles est facturée 7 euros, la problématique du gaspillage mérite d’autant plus d’être soulignée…

Une bonne note toutefois pour le service et sa capacité à s’adapter. Malgré le menu imposé, mon accompagnant qui déteste le café a bénéficié d’une alternative (après quelques échanges…). De façon générale, les desserts ont « sauvé » le dîner. Le restaurant athénien, si chic soit-il avec son jardin qui invite au partage d’un dîner romantique, nous a tout de même laissé un goût amer.

Mon avis : Outre sa totale amnésie de la profondeur du garde-manger grec, Spondi manque cruellement d’âme dans l’assiette. Si l’on vient désormais au restaurant comme on réserve un ticket pour une pièce de théâtre, encore faut-il que la brigade sache maîtriser les codes de la cuisine gastronomique. A défaut, pourquoi ne pas miser sur l’authenticité et les histoires de ces producteurs grecs qui ont tant à raconter ? 

Montant de la déception : 357 euros pour deux menus dégustation, vins et eau compris.

Foie gras aux cinq parfums, dates, pamplemousse

Bar, mousseline de céleri au citron, meringue et thé matcha

Arabica, thym citron, praline

Revisite du millefeuilles à la vanille Bourbon et caramel fleur de sel

Chocolat et caramel liquide, mi-cuit au chocolat, crème glacée au pain au gingembre

Pour découvrir de bonnes adresses à Athènes et dans les Cyclades : 

Carnet d’adresses à Santorin

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Cyclades : Milos, la face cachée culinaire d’une île envoûtante

4 adresses pour croquer Sifnos, la délicieuse

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