Chapeau ! Ils ne sont que six en cuisine pour composer des tableaux gourmands, subtils et peaufinés jusqu’au dernier grain de poivre. Fraîchement éclos dans la délicieuse rue de Richelieu il y a tout juste quatre mois, Ellsworth est une réussite.
Comme on dit : le monde est petit ! Fin mars dernier, je découvrais le 34 rue de Richelieu à travers les Menus de Légende orchestrés par GH Mumm et animés par les frères Bogdanov. Un local aux pierres apparentes, typiques des logements parisiens qui rappellent le long passé historique de l’ancienne Lutèce.
Six mois plus tard, c’est une adresse hautement courue par toute la blogosphère culinaire qui a installé ses fourneaux, sous l’impulsion du voisin Verjus. C’est en réalité la deuxième adresse du numéro 52. Le propriétaire rend hommage aux origines américains de son père avec ce nom : Ellsworth.
Dans un cadre épuré, marqué par les contours métallisés, éclairé sobrement par des chandeliers à l’ancienne, Verjus sert les classiques de son bar à vin et ajoute des compositions aux saveurs millimétrées. Ici, les codes de la restauration ne tiennent plus et les recettes n’entrent plus dans les cases traditionnelles des entrées et des plats. Vous piochez et vous vous adjugez vous-mêmes celles qui démarreront le dîner et les autres qui entreront en scène avant le dessert. Une formule judicieuse qui autorise le partage et laisse libre court à davantage de découvertes puisque votre assiette est aussi celle du voisin. L’esprit tapas sans le côté grignotage/minimaliste de la tradition espagnole.
En grès ou en terre cuite, la vaisselle est impeccablement choisie et met en valeur les associations de goût. La salade de figues se compose de jeunes pousses d’épinard, subtilement arrosées d’huile, coiffées de noisettes, de copeaux de pecorino et d’une pincée de poivre. Ni trop ni pas assez. L’assiette est réfléchie.
Salade de figues, cerise, pecorino, pousses d’épinard, noix, romarin
L’on retrouve le même état d’esprit dans la seconde assiette : des palourdes frites, maïs, crème, piments marinés et basilic. Jamais je n’aurais eu l’idée de plonger les coquillages dans un bain d’huile. C’est une réussite, y compris dans la confection qui ne dégorge absolument pas de gras.
Encornet grillé, poivron rouge, poireau, huile d’olive, pommes de terre
Le grillé ajoute une nouvelle saveur au tableau dégustatif de cette soirée à travers les encornets, produit capricieux qui demande beaucoup d’attention pour que la mastication ne devienne pas une épreuve. Ici, c’est tout l’inverse. C’est fondant, et encore davantage avec l’écrasé de pommes de terre qui se cache sous les tentacules.
Dans la dernière composition, les chefs mettent à l’honneur l’essentiel et valorisent le produit frais, en la “personne” d’une daurade. Des tomates anciennes, du céleri, un beurre noisette et des radis accompagnent le joli poisson tout en sobriété. Une recette qui respire à vue d’oeil la simplicité et qui, à mon avis, mérite en cuisine beaucoup plus d’attention qu’il n’y paraît…
Daurade, tomates anciennes, céleri, beurre noisette, radis
Et en dessert, Ellsworth sert un méli-mélo sucré qui varie les saveurs comme savent le faire les adresses contemporaines : gâteau aux noix, dulce de leche, pêche, baies et crème crue.
Gâteau aux noix, dulce de leche, pêches, baies, crème crue
La carte des vins
Le dessert est une composition entre acidité et sucre qui glisse délicieusement avec un vin nature à la robe presque orangée : le Temps retrouvé, VDF Grenache Gris 2014 (8 euros le verre). Une bouche ronde et ample, sur les notes confites.
Le nectar a pris la suite d’un digne représentant des vignobles savoyards, qui savent enrober le palais de toute leurs saveurs citronnées et minérales, comme ce Château de Mérande, Roussette de Savoie, Son Altesse 2013.
Ellsworth 34 rue de Richelieu
75001 Paris